10 novembre 2006

M'sieur Clémenceau

Réhabilitation. Voilà ce qui m'a motivé à écrire, et je n'exagère guère, sur la meilleure série française des 30 dernieres années.

Evidemment, vue les sterres de polar sous exomyl qu'on nous afflige depuis des années, la comparaison est vite faite. En veux tu en voilà des Navarro qui sentent l'huile d'olive, des Julie Lescaud à la diction de dislexique ou des Louis la Brocante dont l'action est un mixe entre les Chiffres et les Lettres et la Carte au Trésor.
Réhabilitation, car malheureusement depuis quelques années et la mode des trentenaires qui délirent sur la ringardise de leur années d'enfance pour ainsi chanter le générique de l'Ile aux Enfants à tue-tête durant leurs soirées, se prouvant je ne sais quoi mais surtout d'être rester de grands enfants, il paraissait de bon gôut de se gausser des coups de savate du séduisant commisaire Valentin. Ainsi, sans aucune nuance et reflexion, la majorité des gens ont sacrifié cette série en la noyant au millieu des Homme de Picardie, Medecin de Nuit ou autres Récré A2, voir Thierry la Fronde. Soit un gentil divertissement pour enfants, ou au mieux pour siesteurs insomniaques, amusés par les costumes.
Que nenni!!!
Réhabilitation, donc. Car les brigades mobiles du sieur Clémenceau méritent la reconnaisance.
La premiere saison a été diffusé à partir de novembre 74, trouvant sa vitesse de croisière durant ce septennat qui nous concerne, pour teminer sa course en 83, à l'aube de Canal Plus et d'une autre époque. Soit durant ma tendre mais néanmoins périlleuse enfance. Mais hormis un zeste de nostalgie, c'est en toute objectivité que j'affirme mes dires. Car j'ai pu la revoir régulierement depuis 20 ans et pratiquement dans son intégralité l'année derniere, en buvant mon café, puisqu'elle était diffusée sur TMC vers 13h30.
Et quel bonheur!
Sous pretexte d'un fait historique réel, qui nous était narré par une voix-off alerte en début d'épisode, la série nous ammenait à faire connaisance avec les brigades mobiles, crée par Georges Clémenceau (le Tigre) aux début du siècle dernier, pour lutter plus efficacement contre les brigands, mieux équipés que la police elle même.
Claude Dessailly fut l'unique scénariste des 36 episodes, d'ou l'incroyable cohérence de ton et des dialogues, passant selon les épisodes, du suspens à l'humour, de la tragédie à la politique. Pour cela, ce fut une succesion de courses poursuites à 30 km/h (ah les autos!!), de moustaches à foison, de gadgets scientifiques (les premières empreintes), de séances de boxe francaise dans des gymnases poussiéreux, d'enlèvements mystérieux et de second rôles aux gueules incroyables, jouant des tenanciers de bars, des putes, des malfrats, des empereurs, des ambassadeurs etc...
Mais les Brigades, c'était avant tous les trois rôles principaux, sortent de Pieds Nickelés justiciers qu'étaient Valentin, Pujol et Terrasson. Soit le héros téméraire à la démarche de canard (Jean-Claude Bouillon), le petit fûté mi gavroche mi tintin (Jean-Paul Tribout) et le poétique colosse de Rodez (Pierre Maguelon). Des rôles aux caractères bien définis, avec lesquels les acteurs faisaient passer leur connivence naturelle. Sans oublier Faivre, leur colérique superieur, chef de la sûreté (génial François Maistre).
Nous avions donc une histoire policière avec un contexte historique en toile de fond, dans laquelle évoluaient nos super-flics, ou défilaient la bande à Bonnot, la prohibition, les suffragettes, Blériot, les anarchistes etc... Et tous ceci dans des décors naturels impeccables (forêts, campagne, interieurs d'immeuble, quartier malfamés, manoirs, galeries souterraines) qui accentuaient la crédibilité du sujet.
Comparez si vous en avez l'occasion avec l'Arsène Lupin de Georges Descrieres, série cataloguée dans le même genre (costume, intrigue policiere, début de siècle). Ca sera sans pitié pour le gentleman. Le cadrage, le montage surtout, le jeux d'acteurs, les intrigues sicellées aux scalpel, le ton quelque peu innovant, l'action parfois désuete mais jamais ridicule, la crédibilité historique, tout ce que n'avait pas le héros télévisuel de Maurice Leblanc. Seul point commun, le générique. Dutronc magnifique pour Lupin, Phillipe Clay gouailleur pour les Brigades. Titi parisien, on était dans le ton.
Mais la musique ne s'arrêtaient pas au seul prologue. Pour les épisodes, Claude Bolling (Borsalino) proposa un score innovant et inquiétant. Collant à l'époque (orgue de barbarie, ragtime), il ajouta guitares électriques et orgue Hammond. Il n'était pas rare sur un seul épisode d'entendre bien 6 à 8 morceaux différents. Unique pour l'époque, la bande originale des six saisons sera composée au final de 35 morceaux.
Dessailly, Bolling et Vicas pour la réalisation, c'était le casting d'un vrai film de cinéma. Comme le réchauffé de cette année avec Cornillac. Sauf que la Gaumont n'a gardé qu'un semblant de faits historique et beaucoup d'explosion. Les moustaches, on les a gardé pour faire francais, et le reste, on l'a fait disparaitre de peur de faire rire.
Comme quoi, les scénaristes n'ont pas du regarder cette série comme elle le méritait. Ca doit être des trentenaires qui se déguisent en Casimir au jour de l'an parce qu'ils trouvent ça cool...

Bref, hommage sincère à une série très française mais complétement à part dans le paysage audiovisuel hexagonal, au rythme et à l'humour anglo-saxon, au ton et à l'imagerie unique, aux musiques et aux personnages attachants, qui malgré le grain d'image forcément vieillot, mérite un regard actuel plein d'attention et de respect.

"J'voudrais les y voir
A notre place pour n'pas en prendre pour 20 ans"

3 commentaires:

Manuel a dit…
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Manuel a dit…

Mr Choubi je suis fan de cette série et vous le savez!
Votre chronique dépeint avec brio , la meilleure série policière française ; le prologue de chaque épisode avec cette voix off , narrant des faits historiques et plantant le décor de l'enquête me faisait à chaque fois frémir.
J'ai vu le film . Bon ; Tout de même je ne pense pas pas que ce soit une mauvaise adaptation de la série . On se souvient de Vidoc et Belphegor qui étaient , là on peut le dire sans craintes de grosses merdes . Même les jolis seins de Sophie Marceau n'ont pas fait passer la pilule ! Non , là je trouve que l'esthetique du film est assez reussie . C'est même plutot agréable à regarder. Le casting est ssez bon même , mais là ou le bas blesse c'est quand même , a mon gout dans l'approche de la psychologie des personnages . Le talent des acteurs ne suffit pas à eviter la quasi-transparence des personnages . Quand on pense que le premier projet de casting reunissait Lorant Deutsch, Vincent Perez et Jean Dujardin , on peut dire qu'on a évité la catastrophe. Seuls Baer et Gamblin donne un semblant de carrure aux personnages.
La série jouait beaucoup sur l'élégance de ce début de siècle alors que le film est trop axé sur l'aspect policier ( le realisateur semble-t-il voulait des flics plus au gout du jour ) . C'est dommage .
Mis a part quelques incohérences scénaristiques , qui il est vrai sont nécéssaires pour insufler du rythme au film, on y pert quand même en magie .
Cette version en tous cas ne met pas du tout au rencard notre série préférée .
En fait je me souviens m'etre un peu fait chier pendant le film .

Mr Choubi a dit…

Emu je sais pas, mais débordant d'affection, certainement.