17 avril 2007

Mahmud Ahmed, prince de la Soul éthiopienne

Dans les dernières années du règne du négus Haillé Sélassié, (entre 1969 et 1974), l'Ethiopie a connu un âge d'or musical. A l'instar de ce qui se passait au Ghana avec le High-Life, les musiciens éthiopiens connurent un engouement pour les instruments électriques, les cuivres et les musiques venues d'Occident. Soul, rythmblues et jazz se mélangèrent alors à des mélopées orientales et des musiques de traditions locales comme celle des Azmari, griots éthiopiens s'accompagnant du kraar, harpe à 6 cordes, du masinqo et de l'accordéon. Mahmoud Ahmed est le chanteur emblématique de cette époque.

Né le 8 mai 1941 à Addis Abeba, Mahmoud se met à chanter avec ses camarades d'école. Sa famille est modeste et il ne peut poursuivre ses études au-delà de ses douze ans. Après avoir passé des années à cirer les chaussures dans les rues de la capitale, à vingt ans, il se fait engager comme garçon à tout faire à l'Arizona, l'un des cabarets accueillant des musiciens d'orchestres officiels venus se faire, à la nuit tombée, un pécule supplémentaire. Un soir alors qu'un chanteur manque à l'appel, Mahmoud se propose de le remplacer.

Après un essai, on lui laisse tenter sa chance. Son exceptionnelle aptitude vocale et son talent naturel de showman font tant d'effet qu'on lui propose alors d'intégrer l'un des groupes vedettes d'Addis Abbeba, l'Imperial Body Guard. Il restera membre de cet orchestre institutionnel pendant onze ans. Pendant ces années, Mahmoud Ahmed devient la coqueluche du Swinging Addis et de ses bars branchés, dans lesquels il se produit la nuit. D'origine ethnique amharique, il n'a pas son pareil pour déclencher la spectaculaire danse eskita qui se caractérise par de lascifs mouvements du torse et des épaules. Ses fans adorent sa voix brûlante et profonde qui courre sur plusieurs octaves et s'insinue avec souplesse dans les intervalles pentatoniques de la musique de cette région. En 1972, Mahmoud rejoint le groupe vedette de cette période l'Ibex Band.

Mais les temps changent lorsque la junte militaire stalinienne DERG destitue l'empereur Selassié et prend le pouvoir en avril 1974. En 1975, Mahmoud Ahmed enregistre néanmoins son chef d'œuvre Erè Mèla Mèla, un époustouflant morceau de 8 minutes au groove irrésistible. Mais l'état militaire impose une dictature de plus en plus évidente, elle censure la culture et interdit la production de disques. S’en suivra une Ethiopie tour à tour et souvent dans le même temps terrorisée, humiliée, affamée, partagée, ensanglantée, etc.


Revenons à la musique : l'album Alémyé, réédition des enregistrements de Mahmoud Ahmed pendant l'année 1974, est sorti sur le label Buda Musique. Un sacré chanceux que ce label, puisqu'il est en possession aujourd'hui de plus de 500 disques enregistrés pendant cet âge d'or éthiopien et détenus à l'époque par le label Ahma Records. La collection s'intitule Ethiopiques et atteint aujourd'hui son 19e tome. L'occasion de découvrir la quasi totalité de l'oeuvre republiée de Mahmoud Ahmed, ainsi que tous les petits bijoux de la musique éthiopienne, pour enfin rendre à ce pays ses lettres de noblesse.

Discographie partielle

• (1996) Slow Collections (Unknown)
• (1997) Soul of Addis - Earthworks/Stern's Africa STEW35CD
• (1999) Ethiopiques Volume 6 - Almaz 1973 - Buda Musique 829792
• (2000) Ethiopiques Volume 7 - Erè Mèla Mèla 1975 - Buda Musique 829802
• (2003) Yitbarek - Yene Production 77414
• (2005) Ethiopiques Volume 19 - Alèmeyé - Buda Musique 860106

4 commentaires:

Mr Choubi a dit…

Superbe Mr Cool! J'ai découvert Mahmoud Ahmed y'a 2, 3 ans grace à Vibrations, le magazine. Je m'étais procuré une compil, ça devait être les "Ethiopiques Vol 7", et effectivement, c'est énorme.
Notamment le morceau "Bemen sebeb letlash", d'un groove incroyable. Alors, tout n'est pas forcément au même niveau, c'est même parfois un peu difficile pour nos oreilles d'occidentaux profanes, mais nom de dious, ça balance, très hypnotique, avec des sons de grattes hallucinants, des cuivres, le tout dans une ambiance un peu music-hall, crooner, bref c'est un peu le James brown éthiopien, le Mahmoud!

Mlle Caleuleu a dit…

j'adoooorrreeeee!

Anonyme a dit…

Mr Kaplan: Excellent Mr Cool!Je connaissait cette collection..J'y aavais jeté une oreille et je trouvais que ca groovait du feu de dieu.Malheureusement,je ne me suis pas attardé dessus (bien trop occupé à me faire une oreille sur This Mortal Coil!!!héhéhéhé)...en tout cas,c'est une très bonne collection que j'invite tout le monde à ecouter...tres surprenant et comme disait Mr Choubi,très hypnotique.

Mr Kali a dit…

De diou, Mr cool vous sortez la un artiste qui m'est alors totalement inconnu. Ca donne envie. Je m'y met de ce pas !